La production industrielle d’uranium a eu lieu
en France entre 1946 et 2001 sur 210 sites miniers. Près de
la moitié de cette production provenait du Limousin. Ces
sites ont été exploités par le CEA
(Commissariat à l’Energie Atomique) puis la COGEMA
(Compagnie Générale des Matières
Nucléaires, et enfin aujourd’hui AREVA NC).
De l’extraction à
l’abandon des sites
L’extraction du minerai d’uranium, provenant de
mines à ciel ouvert ou de galeries souterraines, donnait
lieu à un tri relativement grossier. On mesurerait la
radioactivité de la roche extraite pour détecter
la teneur en uranium. Après cette opération,
certains chargements partaient en usine afin d’en extraire
l’uranium. D’autres ne contenaient pas assez
d’uranium pour être jugés assez
rentables. Ils étaient mis en tas à
côté du lieu d’extraction, lieu
nommé "verse à stériles miniers". Du
fait de la méthode de tri, certains stériles
renfermaient des roches contenant de l’uranium qui
émettent toujours une radioactivité non
négligeable.
Cette exploitation des mines d’uranium a
aujourd’hui plusieurs conséquences : une
émanation de poussières radioactives ;
un dégagement de gaz radon (seconde cause du cancer du
poumon après le tabac selon l’Agence
Internationale de Recherche sur le Cancer) ; plus globalement,
un accroissement de la radioactivité en surface
(radioéléments présents dans les
verses à stériles) et une potentielle
contamination des eaux de ruissellement et des sédiments.
Certes, la radioactivité est un
phénomène naturel que l’on
côtoie tous les jours à de faibles doses, avec des
émissions un peu plus fortes sur les terrains granitiques
(Limousin, Bretagne…). Cependant, on considère
qu’une couche d’un mètre de terre
diminue de moitié l’exposition aux radiations.
Ainsi, nous sommes partiellement protégés des
éléments radiotoxiques lorsqu’ils
restent sous terre. L’activité minière
va remettre en question cet équilibre, notamment par
l’existence des verses à stériles qui
stockent en surface d’énormes quantités
de roches qui contiennent de l’uranium.
En France, 52 millions de tonnes de minerai ont
été extraites pour une production de 76000 tonnes
d’uranium (près de la moitié provenant
de la seule Haute-Vienne). Cela a engendré
l’extraction de 200 millions de tonnes de stériles
miniers. Ils contiennent des éléments radioactifs
de la famille de l’uranium, dont certains sont
très radiotoxiques et émettent des rayonnements
radioactifs pendant des milliards d’années. Autant
dire qu’il s’agit de déchets durables.
Des remblais radioactifs
Or il était d’usage que des riverains, des
collectivités ou des entreprises
récupèrent les roches des stériles
pour remblayer des terre-pleins, des chemins, des soubassements de
bâtiments ou des aménagements routiers. Pendant
plusieurs décennies, ces éléments ont
été disséminés un peu
partout en France (pour la plupart on ne sait pas où) par le
biais du remblayage. Cette pratique expose la population à
des doses radioactives parfois supérieures aux limites
sanitaires en vigueur. Cet état de fait ayant pu
être révélé, à la
suite de luttes menées par plusieurs associations, AREVA NC
s’est vu imposer la décontamination de plusieurs
sites, tels que des scieries, parking de restaurant, cours de
ferme…1
Par son exploitation irresponsable du sous-sol uranifère,
l’Etat a donc permis la création de la puissance
phénoménale qu’est
l’énergie nucléaire. Face à
une économie du court terme, cette puissance le
dépasse. Elle impose à
l’humanité et son environnement un temps qui
n’est pas à sa mesure : plusieurs
milliards d’années. Que signifie de
créer une chose qui n’est pas à notre
mesure, en terme de temps comme de puissance ?
La dernière mine d’uranium française,
Jouac en Haute-Vienne, a été "fermée"
en 2001. Force est de constater que ces mines ne se ferment pas par
décret. Elles sont toujours en activité.
Radioactives !
Le Plateau de Millevaches "riche" en sites miniers
Entre la fin des années 50 et la fin des années
80, le Plateau de Millevaches a connu quelques mines de taille
relativement modeste, qui ont produit 692 tonnes d’uranium.
Hyverneresse et Le Boucheron étaient les sites les plus
importants. Des sites plus petits ont été
également exploités et d’autres ont
fait l’objet de permis de recherche, d’exploitation
ou de concession (2).
A la fin du mois de septembre 2009, des habitants du plateau se sont
rendus sur le site d’Hyverneresse, en grande partie libre
d’accès et ne faisant aucunement mention
d’une ancienne activité minière. Avec
l’aide de l’association Oui à
l’avenir, ils ont pu constater que l’on pouvait
recevoir des doses radioactives allant jusqu’à
quinze fois (3,20 Micro Sieverts/h) le niveau de
radioactivité ambiante habituelle (0,20 Micro Sieverts/h),
notamment à l’exutoire du site
(l’exutoire étant un point où se
concentrent les eaux de la mine). Celui-ci se jette dans le ruisseau de
la Brousse qui, lui-même, rejoint la Creuse.
De nombreuses associations telles que Sources et Rivières du
Limousin, Oui à l’avenir, le collectif Sous Nos
pieds, Guéret environnement ou Sortir du
Nucléaire 87 militent pour la réhabilitation des
sites miniers dans la transparence et la concertation.
Actualité juridique : un plan
d’action pour les anciennes mines d’uranium
Aujourd’hui, l’Etat semble enfin prendre la mesure
du problème des anciennes mines d’uranium. En
juillet 2009, une circulaire (3) du ministère de
l’Ecologie et de l’Autorité de
Sûreté Nucléaire a
été adressée aux préfets
des zones concernées par les anciens sites miniers.
Un plan d’action a été
imposé à AREVA NC par les services de
l’Etat. Il invite l’entreprise "à
largement associer les CLIS (commissions locales
d’information et de surveillance) et d’une
manière plus générale les populations
et les élus locaux".
Les quatre mesures suivantes sont avancées :
1. "Contrôler les anciens sites miniers" (4). Il est
notamment précisé qu’"une attention
particulière devra être portée
(…) aux sites sur lesquels des déchets (autres
que miniers) ont pu être entreposés par le
passé". On pense alors aux scandales
révélés autour des anciens sites des
monts d’Ambazac en Haute-Vienne (contamination du lac de
Saint Pardoux, boues et fûts radioactifs
disséminés…) ;
2. "Améliorer la connaissance de l’impact
environnemental et sanitaire des anciennes mines d’uranium et
la surveillance". L’Etat demande à
l’exploitant d’effectuer lui-même les
mesures radiologiques et l’état des lieux. On peut
s’interroger sur la valeur de cet auto-contrôle...
3. "Gérer les stériles : mieux
connaître leurs utilisations et réduire les
impacts si nécessaire" avec l’instauration de
"servitudes sur les terrains où se situent des
dépôts significatifs". Le recensement devra
être réalisé dans un délai
de deux ans mais là encore sous la responsabilité
d’AREVA NC.
Le ministre souligne également qu’"il ne faut pas
remettre en cause les utilisations passées" de ces
stériles. Est-ce à dire que personne
n’est responsable de leur dissémination et des
éventuels dommages qu’ils causent ?
4. Renforcer l’information et la concertation.
Cette circulaire, dans ces grandes lignes, semblerait aller dans le bon
sens, notamment parce qu’elle interdit "tout nouveau projet
de valorisation de stériles issus d’anciennes
mines d’uranium". Mais que vaut-elle face à
l’arrêté du 5 mai 2009, qui permet
l’ajout de substances radioactives aux biens de consommation
et aux produits de construction (en dérogation à
une mesure du code de la santé public qui
l’interdisait depuis 2002) ?
Sources : ASN, AREVA NC, CRIIRAD, GEP Limousin, IRSN, Journal
Officiel.
Association Oui à l’Avenir
– Creuse
oui.a.l.avenir@wanadoo.fr
Tél. 05 55 66 50 24
1 : Plusieurs exemples sont présentés sur le site internet
du laboratoire indépendant de la Criirad : www.criirad.org
2 : Une carte et un tableau détaillé des concessions sont consultables
sur le site internet d’IPNS : www.journal-ipns.org
3 : Consultable sur le site internet du GEP Limousin (Groupe
d’Expertise Pluraliste) www.gep-nucleaire.org/gep
4 : Ne seront cependant pris en compte que les sites inventoriés
dans la base de données MIMAUSA.
Textes réglementaires applicables
à la gestion des anciens sites miniers
: